Monsieur le Président,
Chers députés,
Merci de nous permettre de prendre la parole dans cet Hémicycle en Commission de l’Environnement et de l’Energie.
Cela fait maintenant plusieurs années que j'occupe la fonction de Président de l’Exécutif des Musulmans de Belgique, et je dois dire que je n’aurais jamais imaginé passer autant de temps et d’énergie dans ma responsabilité à défendre un des principes les plus élémentaires de notre liberté de culte : c'est-à-dire de pouvoir consommer des aliments conformément à notre rite et dans le respect des lois/normes européennes.
La règlementation et les directives européennes en matière de la protection des animaux au moment de leur mise à mort ont fait l’objet de plusieurs débats dans plusieurs pays européens.
En Belgique, le sujet a été débattu à mainte reprises : notamment en 1994 et 1995 au Sénat, en 2004 et plus récemment en 2014, suite à la régionalisation de la matière relative au bien-être animal.
Pour rappel, les directives européennes prévoient une dérogation à l’obligation d’étourdissement en cas d’abattage rituel se déroulant à l’abattoir.
Ces dispositions applicables aux abattages rituels ont été transposées de manière différente selon les contextes nationaux. La règlementation nationale prenant en considération la situation du pays concerné.
Monsieur Coskun BEYAZGUL, ici présent, reviendra plus en détails sur ce point.
D’une manière générale, les directives européennes tiennent compte du Bien-être animal mais aussi de la liberté du culte en matière d’enseignement, des pratiques et de l’accomplissement des rites, (tel que le prévoit l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne).
Nous craignons que ce juste équilibre entre la liberté de religion et les objectifs légitimes d’intérêt général, parmi lesquels le bien-être animal, soit définitivement rompu.
Faut-il le rappeler, les citoyens belges de confessions musulmane et juive accordent une grande importance au bien-être animal. Ce principe est inscrit dans l’essence même de la philosophie et des pratiques religieuses.
Ils ont également le souci de pouvoir manger de la nourriture conforme à leurs rites et croyances religieuses.
Dans un avis rendu en 2010 et repris en 2015 après la régionalisation du bien-être animal, le Conseil des Théologiens, attaché à l’Exécutif des Musulmans de Belgique, a rappelé que l’Islam est respectueux de tous les êtres vivants. Il impose le respect des animaux à sacrifier, et ce, de l’élevage à l’abattage, en passant par le transport.
Selon cet avis également tout type d’abattage avec une quelconque méthode d’étourdissement est contraire aux prescriptions de l’Islam
Nous constatons avec regret que l’abattage rituel sans étourdissement, exercé en Belgique depuis toujours et défendu par notre institution, est progressivement remis en question et ce, depuis plusieurs années.
L’interdiction déjà mise en place par les régions flamande et wallonne porte directement atteinte à l’un des préceptes alimentaires essentiels régissant la croyance des musulmans de notre pays, à savoir l’exigence que les animaux soient abattus de manière rituelle.
Dès lors, l’observance de ce rite est devenue extrêmement compliquée, voire impossible, pour les citoyens belges de confession musulmane puisque l’abattage rituel sans étourdissement n’est encore autorisé qu’en Région de Bruxelles-Capitale aujourd'hui. Ils se sentent injustement stigmatisés et discriminés dans la pratique de leur culte.
L’EMB a toujours été favorable à l'étude de toutes les pistes pouvant mener à une amélioration du bien-être animal, en veillant, autant que possible, à éviter toute souffrance animale comme par exemple, et sans que cela ne soit exhaustif, l’amélioration des formations des sacrificateurs-bouchers, les conditions de vie des animaux dès leur naissance et leur transport vers les abattoirs.
A ce titre, je plaide pour qu’une réelle collaboration ait lieu entre les cultes et philosophies reconnus, les autorités régionales et nationales sur le bien-être animal englobant les conditions de vie des animaux depuis leur naissance.
Cela ne pourra être que bénéfique pour notre société puisque cela permettrait de dépassionner le débat, d’améliorer le bien-être animal et de rétablir la vérité, à savoir que les fidèles musulmans et juifs sont tout autant respectueux du bien-être animal que le reste de la population.
Toutefois, et j’insiste, une interdiction générale de l’abattage rituel s’avère problématique et injuste en regard de la liberté de culte.
Des associations et des politiciens donnent aujourd'hui l'impression d'opposer deux modes d'abattage, l'un qui serait normal et l'autre qui ferait montre d'une certaine cruauté. Pourtant, il serait plus opportun de mettre en perspective le bien-être animal avec le mode de production industriel qui, lui, ne vise que le profit et ce, au détriment de toutes autres considérations ! Ce qui n’est évidemment pas le cas de l’abattage rituel.
Dans une société ouverte et tolérante, il est important de travailler ensemble sur le bien-être animal avec toutes les couches de la société, sans stigmatiser certaines communautés. L'empathie et la compréhension mutuelle sont au cœur de nos valeurs communes.
Je vous remercie
Mehmet ÜSTÜN
Président