27 octobre 2017
Les 9 et 16 octobre 2017, les imams et conseillers islamiques reconnus ont visité l’exposition « L’Islam, c’est aussi notre histoire ! L’Europe et ses héritages musulmans », réalisée par la société Tempora, en partenariat avec l’EMB, à l’Espace Vanderborght situé à Bruxelles.
L’Héritage abrahamique
Les débuts de la visite plongent les imams et conseillers islamiques dans le vif du sujet, en mettant en avant les racines abrahamiques des trois monothéismes ainsi que les ancêtres spirituels communs tels que Abraham, Meriem (Marie) et Moïse.
L’Héritage arabe
L’arrivée des musulmans en Espagne au VIIIe siècle a profondément marqué l’Europe ouest-méditerranéenne. Son empreinte est particulièrement visible dans la péninsule ibérique, mais également dans la Sicile italienne. Citons à titre d’exemple les villes de Grenade, Cordoue (Espagne) et Palerme (Italie) au style architectural typique.
D’un point de vue technique, les Musulmans ont perfectionné et développé le système d’irrigation d’eau dans les grandes villes dans lesquelles ils étaient installés.
Et d’un point de vue plus artistique, la musique arabo-musulmane ravit les oreilles de nos contemporains.
L’Héritage ottoman
À partir du XIVe siècle, l’Empire Ottoman s’installe dans les Balkans et, à son apogée, atteint les portes de Vienne. Si les relations politico-religieuses, souvent conflictuelles, perdurent jusqu’à la Première Guerre Mondiale, suivie de la dislocation de l’Empire Ottoman, les échanges commerciaux, quant à eux, n’ont jamais cessé. L’un des apports notables des Ottomans fut la diffusion d’un breuvage aujourd’hui internationalement adopté qu’est le café.
D’autre part, l’alliance franco-ottomane de 1536 entre François 1er et Soliman le Magnifique contribua au développement de ce qu’on appellera les « Turqueries ». Cet art européen s’inspire des voyages en terre musulmane et reproduit le style turc et ottoman à travers la musique, les œuvres d’art et les objets décoratifs, entre autres.
À l’instar des villes méditerranéennes citées plus haut, la présence ottomane dans les Balkans pendant sept siècles façonna durablement l’architecture de cette région.
Période coloniale
Durant la longue période de déclin précédant la chute de l’Empire Ottoman (1923), la Grande-Bretagne, l’Italie et la France, se partagent progressivement, les territoires anciennement sous contrôle musulman et participent à la création d’Etats-nations dont ils tracent les nouvelles frontières.
Pendant la Première Guerre Mondiale, les populations désormais sous contrôle européen seront amenées à travailler dans les industries métropolitaines pour combler le manque de main d’œuvre lié au départ des hommes pour le front.
Par ailleurs, dans la continuité des échanges entamés durant la période ottomane, la colonisation, parallèlement au développement des moyens de transports, permit la venue de nombreux artistes européens sur les anciennes terres de l’Empire, et favorisa ainsi l’essor nouveau du mouvement artistique et littéraire orientaliste.
Cette phase historique s’achève par la décolonisation progressive de ces pays avec plus ou moins de violence et de réussite. L’Algérie connut une guerre de décolonisation violente tandis que la Lybie profita de la défaite italienne pour s’émanciper.
Aujourd’hui
A nouveau, l’immigration de la population de confession musulmane en Europe est liée aux besoins économiques des pays européens ravagés par la Seconde Guerre Mondiale et ayant besoin d’une forte main d’œuvre pour reconstruire leurs villes et infrastructures détruites.
Après la chute du mur de Berlin, la Yougoslavie volera en éclat suite à diverses luttes à caractère ethnico-religieuses, dont le massacre de Srebrenica (actuelle Bosnie-Herzégovine) est l’une des plus tragiques conséquences.
Plus récemment encore, les conflits qui sévissent en Afrique du nord et au Moyen-Orient ont provoqué une arrivée massive de migrants, dont l’accueil et l’intégration font entrer l’Europe dans une nouvelle dynamique dans ses rapports avec ses relations étrangères.
Cette migration amène son lot de drames : nombreux sont les hommes femmes et enfants qui, dans leur tentative désespérée de fuir la guerre et la misère, sont morts au cours de leur périple. A ce titre, la Méditerranée est devenue un triste cimetière maritime.
Débats
Après la visite de l’exposition, les imams et conseillers islamiques se sont dirigés vers la salle de conférence de l’Espace Vanderborght, où le Président de l’Exécutif des Musulmans de Belgique, M. Salah Echallaoui, a tenu à les remercier pour leurs présence et intérêt de l’exposition, ainsi qu’aux organisateurs pour le travail réalisé.
La responsable des guides a ensuite prononcé un bref discours et a invité les participants à poser leurs questions et à faire part de leurs remarques sur le contenu de l’exposition. S’en suivirent des échanges, notamment, sur la question du statut des « Dhimmis »[1].
En effet, certains imams remettaient en question la vision selon laquelle les personnes ayant eu ce statut auraient subi des inégalités de traitement, notamment, en matière d’impôts. Si les différents protagonistes ne sont pas parvenus à un accord, le débat fut riche en enseignements.
D’autre part, certains regrettaient le fait que l’exposition parle très peu du rapport actuel entre Islam et Europe. Le guide a approuvé cette remarque tout en rappelant que chaque jeudi, des soirées débats, ouvertes à tous, permettent d’aborder les problématiques contemporaines.
Enfin, si le sens de certaines œuvres, traitant du radicalisme et du terrorisme, prêtaient à confusion quant aux réelles intentions de leur auteur, d’autres ont été fort appréciées par les participants. Ce qui fut retenu, c’est que l’art contemporain se présente finalement comme un espace d’ouverture au débat en laissant libre cours à l’interprétation de chacun.
Retrouvez ICI les photos de la visite
[1] Terme historique du droit musulman qui désigne un citoyen non-musulman, lié à celui-ci à un « pacte » de protection. (Wikipédia)